Art & Architecture
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La cité de Carcassonne s’est longtemps dressée comme un rempart entre les royaumes rivaux de France et d’Aragon. Découvrez comment elle est devenue la pièce maîtresse d’un puissant système défensif…
En 1067, le comté de Carcassonne revient à Raimond Bernard Trencavel, vicomte d’Albi et de Nîmes. Toutefois, celui-ci le revend l’année suivante au comte de Barcelone, Raimond Béranger Ier. Ce dernier décède en 1076, suivi en 1082 par son successeur, Raimond Béranger II. Bernard Aton, fils de Raimond Bernard Trencavel, se rend alors à Carcassonne et s’en proclame le défenseur jusqu’à la majorité du comte légitime. Sauf que 8 ans plus tard, il refuse de rendre la ville à son propriétaire !
Bernard Aton Trencavel fait de la Cité sa capitale. Il faut dire qu’elle est idéalement située entre Narbonne et Bordeaux, sur la route commerciale reliant la Méditerranée et l’Atlantique ! Il participe à la construction de la basilique Saint-Nazaire, ainsi que son palais, le château. Cependant, les habitants supportent mal cet usurpateur. En 1107, puis en 1120, ils font appel au comte de Barcelone, à qui ils jurent fidélité. Mais Bernard Aton parvient à chaque fois à reprendre la ville !
Au début du XIIe siècle, les comtes de Toulouse étendent leur autorité de la Garonne jusqu’au Rhône. Pour protéger leur indépendance, les Trencavel décident de changer de camp. Les comtes de Barcelone ayant rejoint la couronne d’Aragon en 1137, c’est maintenant à celle-ci qu’ils prêtent allégeance.
À la même époque, une nouvelle religion apparaît en Europe : le catharisme . Ses adeptes rejettent l’Église romaine, qui, selon eux, bafoue les préceptes du Christ. Le mouvement trouve un écho favorable dans le Languedoc et le Roussillon. Les « Albigeois », comme on les surnomme, se font de plus en plus nombreux. Le principal conseiller du vicomte de Carcassonne, Roger de Cabaret, est d’ailleurs l’un d’eux.
Pour le pape Innocent III, ces Albigeois sont des hérétiques. En 1209, il lance donc une croisade, avec le soutien du roi Louis VIII. Carcassonne est assiégée à partir du 1er août. Le roi Pierre II d’Aragon se rend sur place pour jouer les médiateurs entre son vassal, Raimond-Roger Trencavel, et Simon de Montfort, chef militaire des catholiques. Hélas, les négociations échouent et Carcassonne tombe au bout de 15 jours. Quant à Raimond-Roger, il meurt quelques mois plus tard en captivité.
Carcassonne est rattachée au domaine royal français en 1226, sous le règne du roi Louis IX, dit Saint Louis. Cela déplaît au roi Jacques Ier d’Aragon, successeur de Pierre II, qui possède toujours des droits sur les terres des Trencavel. Finalement, en 1258, tous deux signent le traité de Corbeil. Saint Louis y renonce à sa suzeraineté sur le Roussillon et la Catalogne, héritée de Charlemagne. Quant à Jacques Ier, il abandonne ses prétentions sur Carcassonne. La frontière entre les deux royaumes correspond alors à peu près à celle des actuels départements de l’Aude et des Pyrénées-Orientales.
Saint Louis compte désormais montrer qu’il ne tolérera plus d’intervention aragonaise au-delà de la frontière. Il fait de Carcassonne, qui se trouve à environ 50 kilomètres de là, le siège d’une sénéchaussée, centralisant pouvoirs militaire, judiciaire et administratif. D’importants travaux sont entrepris pour fortifier celle qui est désormais une ville royale.
Cinq châteaux de montagne sont aussi bâtis au sommet des piémonts pyrénéens et de la Montagne Noire, telles des sentinelles. Parmi eux, on compte notamment ceux d’Aguilar et de Quéribus. Enfin, deux autres châteaux, Lastours et Termes, sont construits au nord et au sud de la Cité. Au centre de cet impressionnant dispositif, Carcassonne est le cœur de la défense contre l’Aragon !
La paix voulue par Saint Louis ne dure pas longtemps. En 1285, son successeur, Philippe III le Hardi, part en croisade contre l’Aragon. Carcassonne sert alors de base arrière et de centre de ravitaillement pour l’armée royale. Cependant, l’expédition est un échec et le roi y laisse la vie. Ses ossements sont rapatriés par son héritier, Philippe IV le Bel, jusqu’à la nécropole royale de la basilique cathédrale de Saint-Denis.
C’est dans ce contexte tendu que s’achève la dernière campagne de fortifications de la cité médiévale. Commencée en 1280, elle voit la reconstruction de l’angle sud de l’enceinte intérieure. La porte Narbonnaise est édifiée pour défendre l’accès principal de la Cité. Et Carcassonne adopte la silhouette que nous connaissons aujourd'hui !
Jusqu’au XVIIe siècle, la Cité est une « maîtresse forteresse », gardienne du Languedoc. Elle accueille en permanence une garnison de soldats ainsi qu’un important dépôt d’armes. En 1635, Louis XIV, roi de France, décide de prendre part à la guerre de Trente Ans qui déchire l’Europe. Et devinez qui se trouve parmi ses adversaires ? Philippe VI d’Espagne ! Si ce conflit s’achève en 1648, les deux souverains, eux, continuent de s’affronter. La guerre franco-espagnole ne s’achève qu’en 1659, avec la signature du Traité des Pyrénées. Celui-ci implique notamment l’annexion du Roussillon par la France. La frontière dessinée par les royaumes de France et d’Aragon au XIIIe siècle est donc déplacée plus au sud et Carcassonne perd son importance stratégique. C’est la fin d’une époque…
Au début du XIXe siècle, le passé prestigieux de la cité médiévale n’est plus qu’un lointain souvenir. C’est sans compter la détermination d’un archéologue local, Jean-Pierre Cros-Mayrevieille, et le talent créatif de l’architecte Eugène Viollet-le-Duc. Mais ça, c’est une autre histoire !
Aujourd’hui, Carcassonne est le plus incroyable ensemble fortifié d’Europe. Venez découvrir ses secrets sur place !